★★★★

Il y a une scène dans Les restes dans lequel le professeur de lettres classiques acariâtre de Paul Giamatti, M. Hunham, sort le matin de Noël pour acheter un arbre. C’est une occasion de dernière minute pour réintroduire la fête dans les couloirs vidés de son lieu de travail, le pensionnat de la Barton Academy. Voilà un spectacle mélancolique. Un épicéa mince, peu décoré et incliné avec lassitude vers la droite. Et pourtant, c’est aussi un geste d’espoir. Une image de gaieté. À bien des égards, ce symbole fatigué de la fantaisie saisonnière incarne Les restes, qui arrive dans les cinémas avec plusieurs semaines de retard pour Noël. Le film rappelle les jours joyeux passés, même alors qu’un hiver long et sombre s’installe. Ce point doux heureux-triste est bien trop souvent ressenti dans la soi-disant saison la plus merveilleuse de toutes.

Le film réunit Giamatti avec le scénariste-réalisateur Alexander Payne, vingt longues années après leur première et dernière collaboration. Il est bien sûr logique que Payne ait d’abord pensé à Giamatti pour Les restes. Dans De côté, également, la star a joué un professeur déprimé avec des aspirations auctoriales et un foie bien inquiet. Le film partage également, malgré un décor largement hermétique, le penchant de Payne pour les relations en road trip, s’appuyant sur les thèmes intergénérationnels de Nebraska et Les déscendants. Giamatti est parfait pour le rôle, tout le monde est fatigué du cynisme et des rêves de chemin. Il y a quelque chose d’étrangement attachant chez son Hunham aigri. Certes, ses objections au monde népotique qui l’entoure ont quelque chose de pertinent aujourd’hui.

Comme l’a écrit David Hemingson, dans son premier long métrage, Les restes s’inspire du drame comique français de Marcel Pagnol de 1935 Merlusse. Nous sommes en 1970. Alors que les vacances de Noël approchent à grands pas, tous les garçons de la Barton Academy, sauf cinq, se dirigent vers des maisons bien chauffées et des parents riches. Le droit coule des cuillères en argent dans chaque bouche. Le quintette resté sur place reste ainsi sous l’œil vigilant – quoique paresseux – de Hunham. Il a tiré la courte paille, après avoir contrarié le directeur, le Dr Woodrup (Andrew Garman), en laissant tomber le fils irresponsable d’un donateur important. Le prestige est ici politique.

Mais la fortune sourit à quatre, qui les emmènent faire un séjour de ski alpin. Cela ne laisse qu’Angus Tully (Dominic Sessa), à l’esprit vif mais découragé, avec Hunham. C’est un réprouvé intelligent, plein de promesses, mais seulement extérieurement abrasif. Il y a une âme douce et blessée à l’intérieur. La révélation est déchirante. Da’Vine Joy Randolph est également sur place. Elle incarne la chef cuisinière Mary, une mère fraîchement en deuil, ayant perdu son fils à cause de la guerre du Vietnam. Tel est le poids qui menace par contumace. Il n’y a aucune chance qu’un vrai garçon Barton bleu soit envoyé au Nam.

C’est avec un attachement étonnant aux détails d’époque que Payne évoque la toile de fond du film des années 70. L’évocation d’une époque imprègne non seulement l’habillage, la coiffure et le costume, mais aussi chaque centimètre carré de la cinématographie au grain exquis d’Eigil Bryld. Le film possède même une certification vintage d’approbation BBFC avant les titres. Cat Stevens, Labi Siffre et les Chambers Brothers dominent une bande-son émouvante, également parsemée de chants de Noël et, bien sûr, d’Andy Williams. La neige tombe avant l’action, avec une épaisse couverture de substance blanche enfouissant le sol. Soudain, l’existence confinée de Hunham ressemble à une boule à neige, prête à être secouée.

C’est une narration sympathique et humaine. Giamatti et Sessa se réjouissent de livrer leurs arcs magnifiquement elliptiques, avec Randolph une révélation émouvante. Dès le début, Hunham est obligé de « au moins faire semblant d’être un être humain ». Il est complexe, blessé et attend que quelqu’un lui rappelle l’espoir que Noël peut lui apporter. Quoi de plus humain que ça ? Beau.

TS