★★★
La même année, Kirsten Dunst prend son nom en hommage au film d’Alex Garland. Guerre civilele photojournaliste phare du milieu du siècle, Lee Miller, reçoit le traitement biographique, grâce au premier film succinctement intitulé d’Ellen Kuras. Se déroulant entre 1937 et 1945, terminé par un flirt avec 1977, Lee retrace le voyage de Miller au cœur de la Seconde Guerre mondiale et ses fouilles des dégâts qu’elle a causés. Ses images restent aussi puissantes que jamais. S’il n’est pas si extraordinaire dans sa propre exécution, le film mérite d’être reconnu pour les efforts qu’il prend, ce qui explique pourquoi Miller seul aurait pu les prendre.
Dans le même but, Lee doit sa propre existence en grande partie aux efforts acharnés d’une Kate Winslet visiblement passionnée, qui dirige elle-même le film dans le rôle de Miller. Une production de huit ans, dont deux semaines pendant lesquelles Winslet a payé les salaires, est une réalisation éreintante. Compte tenu d’un processus de gestation aussi long, on pourrait s’attendre à ce que le film ait acquis une base plus solide sous la peau de son sujet. Et pourtant, malgré toute la visibilité éminente de Winslet tout au long du film – elle est en effet formidable – son Miller semble plutôt trop performatif. LeeLee de est acerbe, endommagé et trompeusement intuitif, mais plus une herbe à chat pour un bon acteur qu’une étude de personnage enracinée.
C’est peut-être quelque chose qui compte. Certes, l’intervieweur de Josh O’Connor a du mal à casser la coquille. Aux questions sur le rôle et la signification de ses photos, Miller de 1977 ne propose que le rejet. Ce ne sont que des images. Bien moins que ne le suggère un voyage quarante ans auparavant. On ne parcourt pas une zone de guerre active simplement jusqu’à la fin des images. En effet, notre première observation de la jeune Miller la voit trébucher à Saint-Malo, sur des décombres et sur fond de poussière bien trop active. Un paysage sonore claustrophobe concentre les respirations rauques de Miller, ponctuées de battements de cœur palpitants. La peur est brûlante sur son visage. Il n’y a aucun doute quant aux efforts qu’elle fera pour capturer la vérité visuelle du monde changeant qui l’entoure.
Kuras nous ramène encore plus loin. Retour à une époque de somnambulisme ensoleillé, du moins c’est ce qu’ont semblé Miller et son groupe d’amigos artistes parisiens, et un monde trébuchant dans une seconde Grande Guerre. Une dispute seins nus avec son futur mari, Roland Penrose, emmène Miller à Londres et aux portes du Vogue britannique. Recrutée comme photographe de guerre, après avoir été mannequin de l’autre côté de l’objectif, l’odyssée de Lee sur le continent est davantage alimentée par la force de la nature que par les caprices d’un établissement désuet. Elle y retrouvera son collègue photojournaliste David Scherman, juif dans l’Europe hitlérienne et incarné de manière impressionnante par Andy Sandberg, dans ses débuts dramatiques. C’est l’expérience de Scherman de Buchenwald et de Dachau, racontée avec tant de sérieux par Sandberg, qui donne au film son exemple le plus puissant. Sa réaction à la désormais tristement célèbre séance photo dans la baignoire de Miller – dans le propre appartement d’Hitler et prise sans le savoir quelques instants après sa mort – est la plus perverse du film.
Sandberg n’est pas le seul visage célèbre recruté pour le projet passion, mais lui seul brille. Certes, la présence totémique de Winslet ici jette des ombres. Marion Cotillard, Andrea Riseborough et Alexander Skarsgård apparaissent chacun, recrutés pour des apparitions étrangement brèves, mais ne trouvent pas grand-chose à faire. Skarsgård, surtout, se sent plutôt perdu, aggravé par un bouchon terriblement horrible pour un accent britannique. Riseborough fait faillite dans le rôle d’Audrey Withers, rédactrice en chef excentrique de Vogue, tandis que Cotillard s’inscrit à peine dans le rôle de son homologue française, Solange d’Ayen. Ce sont les rôles plus petits, moins voyants, qui fondent la pièce, comme l’interaction de Miller avec un soldat grièvement blessé dans un hôpital sous tente américain. Elle peut à peine cacher son horreur, il veut simplement voir à quel point il a l’air drôle. Il y a du cran.
Curieusement, peu de temps est consacré à l’impact des années de guerre de Miller sur sa vie ultérieure. Ce furent des années de déclin de la santé mentale et de stress post-traumatique dévastateur. Un échange d’actes tardifs quelque peu maladroit offre un aperçu trop bref d’un traumatisme d’enfance que Miller a porté avec elle jusqu’à ses derniers jours. De telles allusions à l’état d’esprit sobre avec lequel Winslet a abordé sa performance, sans extrapoler sa résonance dramatique dans le film dans son ensemble. Lee dépeint des événements remarquables dans une vie remarquable, mais ne trouve jamais vraiment un tissage convaincant pour les faire traverser. Un peu moins de prestige, un peu plus de saleté sous les ongles et beaucoup plus de vision humaniste de Miller auraient pu faire des merveilles avec celui-ci.
TS