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Le beau pari de Denis Villeneuve s’est avéré payant. Cela est désormais assurément irréfutable. Le tome littéraire autrefois apparemment insurmontable de Frank Herbert a enfin un homologue cinématographique digne de ce nom. Dune. S’il semblait y avoir peu d’appétit pour une seule épopée de science-fiction en 2021, la conviction de Villeneuve selon laquelle la vision d’Herbert en justifiait deux était risquée. Certes, rien ne garantissait, dans un box-office affaibli par la pandémie, que Deuxième partie verrait jamais le jour. La suite tant attendue de Villeneuve – dans certains milieux – de Blade Runner n’avait, après tout, pas réussi à égaler les critiques en termes de succès commercial. Et pourtant, nous y sommes. Où Villeneuve est arrivé en premier Dune était audacieux, noble et un peu lourd dans sa construction mondiale, son second est tout simplement hypnotisant. Villeneuve a fait la paix avec les Shai-Hulud et ce n’est que le début.
Il y a certainement quelque chose à dire sur le fait d’entrer dans un film comme Dune : deuxième partie aveugle. Malgré cela, il semble difficile d’imaginer que même les attentes les plus élevées ne soient pas satisfaites dans ce cas. La deuxième partie a tout pour plaire. Une romance douloureuse équilibre parfaitement scène après scène d’action palpitante. Le cœur s’emballe, se brise, s’envole et chante conformément à un récit doté du genre de répit pour lequel la plupart des superproductions et des réalisateurs à gros budget tueraient. Qui plus est, comme l’écrit Villeneuve lui-même, aux côtés Passagers” – ouais – Jon Spaihts, le film jouit d’une densité à la fois d’intrigue et de provocation de la pensée. C’est une épopée d’une telle ampleur et d’une telle puissance que le cinéma n’en a pas vu depuis les jours nobles de David Lean et Charles Heston.
Une fois de plus, un casting d’une grande netteté ne fait qu’accentuer la réalité du monde à l’écran. Ne faites pas d’erreur à ce sujet, Dune possède un who’s who des stars les plus grandes et les plus brillantes de demain. Cela s’est avéré une décision judicieuse à l’ère en ligne lorsqu’il s’agissait de conquérir un public de quatre quadrants la dernière fois. Timothée Chalamet et Zendaya sont autant des icônes que de jeunes acteurs au talent fou. Chalamet incarne Paul Atréides, fils exilé du regretté duc Leto (Oscar Isaac). Zendaya est Chani, le guerrier Fremen dont il est tombé amoureux dans des visions au cours de la première partie. Ils sont désormais de plus en plus unis sur les plans désertiques d’Arrakis. La maison Harkonnen a pris le siège ducal, dirigée par l’horrible baron Vladimir de Stellan Skarsgård, mais c’est un monde de prophéties et de messies. Toutes sont soumises au destin et à la volonté de la confrérie mystique Bene Gesserit.
Christopher Walken rejoint Deuxième partie dans le rôle de Shaddam IV, empereur Padishah de l’univers connu, avec Florence Pugh entrant également dans le rôle de sa fille, la princesse Irulan, une figure clé des livres. Bien qu’aucun des deux ne soit très présent, le casting est parfait. Certes, il est difficile d’imaginer une Irulan plus impérieuse que celle interprétée par Pugh. Le meilleur des nouveaux venus, cependant, est Austin Butler – c’est Elvis pour nous, petits mortels. Sting a joué Feyd-Rautha dans la version désavouée de David Lynch dans les années 80 sur Dune, mais n’était pas la moitié du deutéragoniste vampirique que Butler offre. Psychotique, sadique et sociopathe, le jeune neveu de Harkonnen est tout simplement terrifiant entre les mains de Butler. Son entrée en gladiateur, filmée dans un infrarouge saisissant, compte parmi les séquences visuellement les plus impressionnantes du film.
Ce n’est pas une mince affaire. Deuxième partie est un spectacle presque entièrement visuel et propose un véritable festin de décors mémorables. La première balade de Paul sur un ver des sables, chaque minute un frisson, est peut-être la meilleure du groupe, mais j’ai aussi un penchant pour la scène trop brève dans laquelle Chani lui apprend à marcher sur le sable comme un vrai Fremen. Alors que l’action migre vers le sud et dans des environnements encore plus hostiles, les thèmes du fanatisme s’étendent dans les recoins d’un acte final incroyablement efficace. La religion a toujours été un moteur central du texte original d’Herbert, mais elle revêt ici une curieuse pertinence face à un monde contemporain qui se déchire. D’après un scénario vieux de plusieurs années maintenant, c’est presque prophétique.
Une partition tonitruante de Hans Zimmer assimile le battement même du cœur d’Arrakis à la transcendance d’une vocation supérieure. Une cinématographie extraordinaire est, à ce stade, une évidence. Tout compte fait, la somme totale est une fonctionnalité exigeant une expérience globale sur grand écran. Les générations futures, dotées uniquement de l’expérience Netflix, ne bénéficieront tout simplement pas de toute la puissance de la réussite de Villeneuve.
TS